Habitat refuges 2020 – Habitat Refuges – Fondation Abbé Pierre Rhône Alpes – Habriter

L’agence régionale de la Fondation Abbé Pierre ouvre le champ sur un travail
d’enquête et de reportage photo donnant à voir la multiplication de refuges
précaires sur la Métropole de Lyon. Ce travail a été réalisé avec le concours
de la permanence d’accès aux droits, Association ALPIL qu’elle soutient et
du collectif item.
Nous avons voulu porter un regard sur la débrouille à laquelle est réduit bon
nombre de ménages précaires sur l’agglomération lyonnaise, qui ne trouvent
plus de place dans le parc privé trop cher, et pour qui l’attente d’un logement
dans le parc social ou d’un hébergement, nécessite de trouver un abri ici et
maintenant pour éviter la rue.

L’agence régionale de la Fondation Abbé Pierre explore, à travers un travail d’enquête et de reportage photo, la prolifération des refuges précaires au sein de la Métropole de Lyon. Ce projet a été réalisé avec le soutien de l’Association ALPIL et sa permanence d’accès aux droits, ainsi qu’en collaboration avec le collectif ITEM.

L’objectif est de mettre en lumière les stratégies de débrouille auxquelles sont contraints de nombreux ménages précaires de l’agglomération lyonnaise. Face à un parc privé inaccessible en raison de coûts élevés, et à une attente interminable pour accéder à un logement social ou un hébergement, ces familles doivent trouver, dans l’urgence, un abri immédiat pour ne pas se retrouver à la rue.

L’habitat refuge(s), de quoi parle-t-on ?

En 2018, la Fondation Abbé Pierre Auvergne-Rhône-Alpes a sollicité l’ALPIL pour approfondir l’identification des pratiques émergentes ou réémergentes des ménages précaires ou en détresse, contraints de trouver un refuge. Ces situations avaient commencé à être repérées via la permanence d’accueil des personnes en difficulté de logement tenue par l’association.

L’objectif était de mieux qualifier ces réalités où l’attente interminable d’un logement ordinaire pousse les ménages à occuper des espaces par défaut : sous-location, dépannage chez des tiers, aménagements de fortune comme une chambre dans un garage, ou encore des lieux totalement inadaptés à l’habitation (garage, tente, véhicule hors d’usage, cabanon de jardin, local commercial, squat, bidonville, etc.). L’analyse visait également à mettre en lumière les conséquences dramatiques de ces habitats précaires sur le quotidien des personnes concernées.

Cette exploration met en évidence que, malgré un cadre juridique protecteur, la saturation des dispositifs d’hébergement, le manque de logements sociaux disponibles et l’inaccessibilité financière du parc privé obligent de plus en plus de personnes à improviser des solutions pour éviter la rue. Entre 2018 et 2020, 50 situations ont été étudiées à partir de questionnaires d’entretien et d’éléments recueillis par l’ALPIL, offrant une vue d’ensemble sur ces formes d’habitat invisibles et silencieuses.

L’analyse se concentre sur les ménages qui, dans l’urgence et faute de solutions dans le droit commun, adoptent des habitats impropres ou détournés de leur usage initial, souvent inadaptés à leurs besoins personnels et familiaux. Ces habitats-refuges, bien qu’insuffisants et précaires, constituent leur unique alternative à la rue et un minimum de protection pour assurer leur sécurité. Initialement envisagés comme temporaires, ces abris précaires deviennent souvent durables, entraînant une cascade de violations des droits fondamentaux.

Les constats issus de ce travail soulignent que le mal-logement s’accompagne d’un non-respect d’autres droits essentiels, tels que le droit à la santé, au travail, à une vie privée et familiale décente. Les habitats rencontrés – souvent indécents, sur-occupés ou insalubres – ne respectent ni les normes légales ni les exigences de sécurité que devrait garantir un logement.

Ce travail d’enquête et de qualification ne prétend pas être exhaustif mais illustre les réalités rencontrées par l’ALPIL dans ses différentes activités. Chaque année, la Maison de l’Habitat, soutenue par la Fondation Abbé Pierre, accueille environ 3 000 ménages en difficulté sur la Métropole de Lyon et le département du Rhône, dans l’objectif de promouvoir une meilleure prise en compte des personnes les plus exclues des solutions d’habitat disponibles.

Habitats refuge(s) état des lieux du parc locatif lyonnais – par la Fondation Abbé Pierre

La charge mentale : Quotidien de la famille M

Actuellement, nous vivons dans un squat à Valmy avec une dizaine d’autres familles. Nous occupons, avec mon mari, nos trois enfants (dont un bébé de 6 mois) et mes beaux-parents, une pièce d’environ 15 mètres carrés. Pour dormir, nous posons des couvertures à même le sol, faute de matelas. Nous changeons régulièrement de lieu de vie, mais les enfants restent inscrits dans la même école, qui est leur seul point de stabilité.

Le matin, je réveille mes enfants à 7h20. Ils sont fatigués car ils dorment peu : nous rentrons tard et le bébé pleure souvent la nuit. Ils ne prennent pas de petit-déjeuner avant d’aller à l’école, et comme nous n’avons pas de salle de bain, ils se contentent d’une toilette rapide avec un peu d’eau. Nous devons partir à 7h55 pour aller de Valmy à Perrache.

Quand je dois passer aux bains-douches à midi, je prends avec moi des vêtements propres et une serviette, que je range dans la poussette de mon bébé. Pour accompagner mes deux enfants à l’école, je prends un bus et le métro, un trajet d’environ 30 minutes. Heureusement, j’ai une carte TCL car je passe ma journée à faire des allers-retours dans les transports, mon bébé de 6 mois toujours avec moi dans sa poussette.

Le mercredi, jour sans école, nous nous rendons aux bains-douches à Debourg pour leur douche hebdomadaire. À 8h30, après avoir déposé les enfants, je fais le point sur les démarches à accomplir dans la journée. À 9h30, j’ai rendez-vous chez le médecin généraliste pour le suivi de ma maladie. Son cabinet est situé dans le 3ᵉ arrondissement, à l’arrêt de tram Liberté. Aujourd’hui, faute de temps, je m’y rends en transport, mais parfois, quand il fait moins froid, j’y vais à pied. Je patiente environ une heure dans sa salle d’attente.

À 10h30, je me rends à une distribution hebdomadaire à Part-Dieu pour récupérer des couches, du pain, des compotes et quelques plats surgelés que je réchauffe sur notre petite plaque électrique. Cette distribution n’a lieu qu’une fois par semaine, il est donc essentiel de ne pas la manquer. À 11h00, après avoir récupéré les produits, je retourne à Valmy pour déposer les affaires et rejoindre mes beaux-parents restés au squat. Ensemble, nous repartons déjeuner au restaurant solidaire de Part-Dieu.

À midi, du lundi au vendredi, nous déjeunons dans ce restaurant solidaire. Les enfants, eux, mangent à la cantine scolaire. Le week-end, nous devons nous rendre à Charpennes pour trouver de quoi manger. Mes beaux-parents, âgés et ne parlant pas français, ne peuvent rien faire seuls. Ils sont donc toujours accompagnés, soit par mon mari, soit par moi.


Une journée type :

  • Distance parcourue : 37,8 km (soit plus qu’un Lyon-Vienne).
  • Temps passé dans les transports : 224 minutes (un peu plus de 3h).

Et le Covid est passé par là ! Vivre confinés en habitat refuge(s) – par l’association Alpil

Depuis la rencontre avec le collectif Item, certaines familles ont pu accéder à des solutions de logement ou d’hébergement plus stables, tandis que d’autres continuent de vivre dans des habitats-refuges, qu’ils soient les mêmes ou différents. Le confinement et les mesures d’urgence ont eu des impacts très variés sur leur quotidien : pour certains, cela a permis une mise à l’abri rapide, longtemps attendue, ou une augmentation des aides alimentaires. Pour d’autres, le confinement a signifié une baisse importante des revenus, un isolement renforcé ou le report d’une réunification familiale espérée depuis des mois. Ces pertes de ressources fragilisent encore davantage des budgets déjà précaires.


Que sont-ils devenus ?

  • La famille H a intégré il y a quelques mois un logement temporaire géré par une association agréée, offrant un tremplin vers un habitat pérenne. Cependant, le confinement a perturbé leur équilibre : Monsieur a perdu son activité professionnelle et perçoit désormais des allocations chômage, moins élevées que son ancien salaire. De plus, sa mère, venue leur rendre visite avant le confinement, est restée bloquée avec eux, incapable de retourner chez elle.
  • Madame J, habituée des distributions alimentaires à Part-Dieu, a bénéficié d’un petit logement temporaire juste avant le début du confinement.
  • La famille C, auparavant en squat, a été relogée dans un village d’insertion peu avant les restrictions sanitaires.
  • La famille M, qui vivait sous tente malgré une demande d’hébergement ancienne, a été mise à l’abri au début du confinement dans un centre collectif. Cependant, cette solution est temporaire : une fois les centres fermés après le confinement, ils risquent de retourner à la rue. Pendant cette période, ils ont reçu des tickets-repas distribués exceptionnellement.

Le manque de pérennisation des centres d’hébergement ouverts durant la crise sanitaire reste un enjeu majeur, laissant ces familles dans une incertitude constante.


La débrouille face aux restrictions

  • La famille A a été expulsée de son squat juste avant le confinement. Aucun hébergement ne leur a été proposé malgré leurs démarches. Ils ont trouvé refuge dans un autre squat, mais leur domiciliation administrative restait à Écully. Avec les restrictions de circulation, ils n’ont plus pu récupérer leur courrier. Au début du confinement, ils parvenaient à se nourrir, mais la situation s’est rapidement dégradée. Grâce à la Fondation Abbé Pierre et la DIHAL, ils ont reçu des tickets-repas utilisables dans de grandes enseignes. Cependant, ces tickets sont difficiles à utiliser dans les petits commerces de quartier, ce qui les oblige à parcourir de longues distances. Malgré ces difficultés, leur fille a pu maintenir un contact téléphonique avec son institutrice.
  • La famille H, toujours en squat à Feyzin, a vécu un confinement dans des conditions très précaires, avec de nombreuses autres familles sur place, rendant impossible le respect des règles sanitaires. Une collecte plus fréquente des ordures et une intervention sur la qualité de l’eau ont été demandées. La plupart des familles présentes ont perdu leurs maigres ressources générées par des activités informelles.

Un projet familial bloqué par le confinement

  • Monsieur K a récemment emménagé dans un logement social et suit une formation professionnalisante. Avant le confinement, il avait obtenu un visa pour le regroupement familial, permettant à sa femme et à ses enfants de le rejoindre. Mais avec la fermeture des frontières et la suspension des vols internationaux, leur venue a été reportée. Le visa, devenu caduc, devra être renouvelé, retardant encore leurs retrouvailles. Combien de temps cette situation va-t-elle prolonger la séparation de cette famille ?

Malgré quelques avancées, le confinement a accentué la précarité de nombreuses familles, mettant en lumière l’urgence de trouver des solutions durables pour garantir un logement décent à tous.

Retrouvez l’intégralité de l’enquête

Vous pouvez retrouver l’intégralité de l’enquête dans l’ouvrage « Habitat Refuge(s) » publié par la Fondation Abbé Pierre et le collectif item en cliquant sur l’image ci-dessous